Paru en France en 2008

Bastard Battle est un de ces romans inclassables qui rappelle que les auteurs français savent parfois réinventer les genres plutôt que d’imiter les succès anglo-saxons.

Prenez un début de XVe siècle bien franchouillard, prenez quelques mangas, des films de sabre japonais, un poil de fantasy, une langue faite de vieux français librement interprété et de phrases rondes et truculentes. Emparez vous d’un mixer, broyez, servez. Gare à l’orgasme.

L’histoire se déroule à Chaumont, en Haute-Marne, ville prise par Bastard de Bourbon puis menacée par un étrange groupe de personnages. Loin de la « team » fantasy habituelle, nous retrouvons le chevalier Enguerrand, l’asiatique experte en arts-martiaux Vipère d’une Toise, le rônin Akira, et bien d'autres... dans un remake inversé des Sept Samouraïs, le tout raconté par le moine copiste Denysot-le-Clerc dit Spencer Five.

Un extrait est parfois plus parlant qu’un commentaire, car dans ce court roman de Céline Minard, c’est bien la langue qui fait tout.
« En fin dudit mois d’août mil quatre cent trente sept, très brûlant de chaleur, moult orages éclataient incontinent tant au matin qu’à la brune, et claquait la foudre à tout-va, cassant les arbres, dépouillant les bestes malabritées, desnudant par fois quelque vilain égaré aussi bien qu’escorcheurs en vadrouille, sans plus de pitié, aveuglément ».
Il faut un petit temps d’adaptation pour intégrer ces « s », ces « l » et ces « y » au milieu des mots, et pour apprécier les tournures.

Mais Céline Minard a du talent, du rythme, et on se laisse prendre au jeu, on oublie les anachronismes. Les combats sont saignants et plein de trouvailles, et l’auteure soigne un Moyen-Age brutal, aussi drôle que cru et sans pitié. On se souviendra par exemple de ce jeu qui consiste à insérer un bouchon entre les fesses des ennemis capturés et à leur sauter sur le ventre pour voir qui projette le plus loin... Mais le sel du roman ce sont aussi ces rencontres entre improbables personnages venus des quatre coins du monde et les dialogues jouissifs que cela entraîne.

Bastard Battle, c’est une centaine de page de truculence. Pas éparpillée ici et là, mais à chaque ligne, en permanence. Au point qu’un roman plus long aurait sans doute été trop long. Mais ce format convient parfaitement à ce nouveau-vieux-français ciselé comme un bijou. De quoi donner envie de découvrir les autres œuvres de Céline Minard, pour voir de quoi la dame est capable dans les autres registres.




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1 commentaire.

  1. Anonyme says:

    Je suis toujours très impressionné par ces auteurs qui n'hésitent pas à manier le vieux Français pour écrire de la fiction, il faut un sacré travail d'érudition… J'espère avoir le temps de lire un jour ce roman !