Livre de sang, le premier recueil de nouvelles de Clive Barker, est une référence du fantastique d’épouvante. D’autres volumes seront ajoutés par la suite, appelés les livres de sang. Les thèmes de Clive Barker sont classiques : fantômes, mort-vivants, tueurs et monstres. La structure est toujours la même : le récit commence par une scène de vie quotidienne et glisse doucement vers le surnaturel et l’horreur. Mais le traitement est intéressant. Les rebondissements prennent les clichés à contre-pied, brisant les attendus, souvent à coup d’humour noir. Le lecteur tourne les pages du Livre de sang en se demandant quelle nouvelle surprise l’auteur va lui réserver. Si je n’ai pas apprécié tous les textes de la même manière, j’ai aimé cette aptitude de Clive Barker à poser son décor, à prendre son temps pour asseoir une histoire, sans jamais se soucier d’être crédible ou non. Son univers est tellement à part que la question de la crédibilité ne se pose même pas. Nous sommes ailleurs.



Le train de l’abattoir : j’ai eu un peu de mal à entrer dans cette nouvelle, sans doute parce que j’avais déjà vu le film qui en est tiré, « Midnight Meat Train », et que je connaissais donc la fin. Reste l’ambiance, la découverte de ces meurtres rituels dans une rame de métro, admirablement décrite.

Jack et le Cacophone : un texte délicieux, le seul du recueil qui reste dans le registre de l’humour noir de bout en bout. Il raconte ce duel entre un homme et le démon qui hante son logement. Le pauvre démon s’efforce de terroriser sa victime de toute les manières possibles, sans jamais y parvenir, l’homme rationalisant absolument tout les événement inexplicables.

La Truie : la nouvelle qui m’aura le plus marqué, avec cette lente progression vers l’horreur. Un éducateur vient d’être embauché dans un centre de réinsertion pour jeunes délinquants. Mais si l’un des adolescents semble être le souffre douleur de tous les autres, quelque chose de bien plus atroce se trame, et tout est lié à la ferme au fond de la cour. A une truie maléfique qui semble avoir goût pour la chair humaine et à laquelle doit être livré l’adolescent.

Les feux de la rampe : un texte plutôt expérimental sur l’univers du théâtre. Dans un petit théâtre qui menace de fermer, certains acteurs et organisateurs sont peu a peu remplacés par des morts-vivants qui jouent la vie comme ils joueraient un rôle. Malheureusement, j’ai trouvé cette nouvelle un peu trop démonstrative dans sa volonté de jouer la métaphore.

Dans les Collines, les Cités : le concept le plus original et surréaliste du recueil. Un couple homosexuel se perd dans des collines yougoslaves et se retrouve pris au milieu d’une bataille inconcevable : celle de deux cités qui s’affrontent, via des géants composés de leurs propres habitants. Les citoyens, femmes et enfants compris, harnachés entre eux, s’amalgament en humanoïdes gigantesques qui déplacent tant de masse qu’à chaque pas ils s’écrabouillent entre eux, dégorgeant des marées de sang. L’idée est complètement barrée mais terriblement jouissive.



Livre de sang permet de mesurer tout le talent de Clive Barker. Pas de gore, ni d’horreur pour l’horreur. Pas non plus de volonté de maintenir un certain réalisme comme le fait Stephen King. Simplement un subtil décalage de la réalité vers quelque chose de fiévreux, malsain, et à la fois tellement proche de nos cauchemars. Difficile après ça de ne pas chercher les autres œuvres du maître.

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