Paru en France en 2013

Silo se veut un best-seller de science-fiction, présenté un temps en tête de gondole dans les espaces de vente. D’abord proposé en autopublication chez Amazon, le roman aurait connu un tel succès qu’il aurait rapidement séduit des éditeurs pour le format papier et la traduction. Une belle histoire. Malheureusement, si l’ouvrage se laisse lire, il ne fait qu’effleurer la surface de ce que peut apporter réellement un bon texte SF.

Silo est une nouvelle que l’auteur a transformé en roman. Il raconte une humanité enterrée dans un gigantesque cylindre souterrain. Personne ne sort depuis des générations à cause des toxines à la surface, sauf les condamnés à mort, ceux que l’on envoie nettoyer les caméras qui filment en permanence l’extérieur.
Si le récit passe d’un personnage à l’autre, nous suivons pour l’essentiel Juliette, jeune mécanicienne des Machines du fond, qui va devenir shérif et peu à peu mettre au jour un vaste complot qui vise à soumettre la population enterrée. Le concept d’une humanité survivante en huis-clos n’est pas neuf, mais il y avait le potentiel pour trouver un angle intéressant. Le premier tiers de l’ouvrage parvient même à intéresser le lecteur qui découvre la vie quotidienne des occupants du silo, son système administratif, les enquêtes du shérif. Hugh Howey écrit plutôt bien, maîtrise les grosses ficelles du suspense et du cliffhanger.

Malheureusement, Silo n’atteindra jamais la profondeur qu’il aurait pu montrer. Les clichés dystopiques de la société sous contrôle débarquent avec d’énormes sabots. Tout est prévisible, peu réfléchi. Plus on tourne les pages, plus le récit ressemble à la novélisation d’un blockbuster américain qui ne cherche surtout pas à dépasser le film. Quelques manques et incohérences dérangent à propos de cette vie sous terre : la production de nourriture ou d’électricité vite évacuée, des problèmes de dimension qui font qu’on ne mesure jamais vraiment la taille de la structure. Il faut deux jours pour descendre les 140 étages, mais des porteurs semblent les remonter plus rapidement... Quel est vraiment l’espace entre les niveaux ? La circonférence du cylindre ? Combien d’habitants ? L’histoire ne s’embarrasse pas de détails, ni même d’intrigues secondaires. Et il y a toutes ces invraisemblances sur le système totalitaire mis en place. On n'arrive pas à y croire, la sauce ne prend pas. L’auteur semble se justifier, chercher des raisons logiques au pitch de départ qui est celui de la nouvelle introduisant le roman, et qui aurait peut-être dû rester une nouvelle.


Entendons nous bien, Silo n’est pas un roman exécrable, dans le sens où il n’est pas mal écrit et où beaucoup ne le trouveront pas ennuyeux, sauf peut-être les lecteurs lassés des ficelles bien calibrées des page-turner. Mais il est tellement tourné vers le grand-public qu’il en devient tout à fait superficiel. Une volonté de plaire à tous, de faire du roman de plage, qui infantilise la SF. Espérons que ceux qui entrent dans le genre par ce type de best-seller sauront trouver l’autre production, la vraie science-fiction, celle qui fait réfléchir et qui bouleverse. Des suites seraient prévues. Je m’efforcerai de passer à côté.

3 commentaires :

  1. C’est toujours intéressant de lire des avis divergents. J’avais beaucoup aimé, mais le livre refermé je suis resté un peu sur ma faim.

  2. Phil says:

    Oui, j'ai vu après-coup pas mal de critiques positives. Mais je ne suis pas arrivé à croire au bouquin, j'avais l'impression de revoir un mauvais film américain avec ses méchants et ses gentils bien déterminés, et où l'on distingue encore les perches et les fonds bleus... Je suppose que j'ai été d'autant plus dur dans ma critique que le livre était tout de même assez bien rythmé pour me faire tourner les pages rapidement. Un peu comme une séduction forcée. (tiens, en me relisant ça me donne une idée d'histoire avec un livre qui vous viole...)

  3. "Un peu comme une séduction forcée »

    Je vois tout à fait ce que tu veux dire.