Paru en France en 2006

Cette série de Robin Hobb se décline, selon les éditions françaises, en 3 à 8 volumes. Si l’on retrouve le style inimitable que Robin Hobb a déployé dans d’autres séries au long cours, comme L’Assassin Royal ou Les aventuriers de la mer, Le soldat chamane marque néanmoins une fracture. Ce qui a déçu une partie du lectorat est justement ce que j’ai apprécié : le rythme plus lent qui rend l’atmosphère envoûtante et le côté très introspectif, davantage encore que dans l’Assassin Royal, m’a véritablement plongé dans la peau de l’anti-héros narrateur.

Du début à la fin, Le soldat chamane est un récit initiatique. Nous suivons depuis l’enfance Jamère Burvelle dans un univers fantasy inédit aux paysages variés, entre déserts, cités et forêts. Parmi les divers peuples qui occupent ce monde, deux s’opposent. Les hommes avec leur cavalerie, et les Ocellions, humanoïdes tachetés qui vivent dans les forêts, en symbiose avec la nature. Sauf que la forêt coupe un projet de route commerciale.

Second fils d’un militaire et donc destiné à l’armée, Jamère suit à l’âge de huit ans un entraînement dans le désert auprès d’un nomade particulièrement dur, avant de rejoindre une cité où il intégrera une école en vue de devenir officier dans la « cavalla » du Roi. C’est un véritable plaisir que de suivre les péripéties de ce jeune homme qui apprend la vie, les escapades en ville, les conflits avec certains camarades, les trouvailles pour remporter les épreuves... Avec toujours cet aspect mystique qui plane en fond, à travers un monde rêvé où les Ocellions sont peut-être plus réels qu’on ne le croit.

Mais après que l’école soit infectée par la « peste » des Ocellions, tout bascule pour Jamère. Il prend du poids jusqu’à devenir obèse, et sa famille le rejette, pensant qu’il se laisse aller. J’ai rarement lu en fantasy ou SF le thème de l’obésité et du regard de l’autre aussi bien traité. D’échec en échec, Jamère deviendra simple soldat et se rapprochera peu à peu de la forêt, jusqu’à intégrer le peuple Ocellion. Son obésité prendra alors un tout autre sens et la fin de la saga se termine avec un éclairage nouveau sur la magie de cet univers et les incompréhensions mutuelles.

J’ai lu dans un interview que Robin Hobb cherchait ce qui pouvait arriver de pire à ses personnages. Le soldat chamane en est l’illustration parfaite. Jamère fait de mauvais choix, il est rejeté, ses amours finissent mal, ses proches meurent, rien ne se déroule comme prévu. Même quand il devient une sorte de roi pour les Ocellions, cela finit par tourner mal. Le reproche qu’on pourrait faire à la saga est que cet acharnement du destin est un peu trop systématique. Mais Robin Hobb a le mérite d’éviter le cliché du héros intrépide et victorieux, et son sens de l’aventure n’est plus à prouver.


Comme toujours, les séries de Robin Hobb occasionnent quelques nuits blanches. Avec Le soldat chamane, nous évoluons dans un registre légèrement différent. Plus introspectif que jamais, le narrateur évolue dans un univers inédit et plus adulte, sans dragons ou navires qui parlent. Le grand thème de la tolérance, qui pourrait paraître niais chez d’autres, bénéficie ici d’un souffle mystique et envoûtant, souvent amer. C’est un Robin Hobb aussi sombre que ses précédentes saga étaient lumineuses.

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2 commentaires :

  1. Je trouvais que l’Assassin Royal avait déjà un rythme assez lent, du coup j’ai un peu peur de me lancer...

  2. Phil says:

    Pour le peu d'avis que j'ai pu voir, le soldat chamane, on aime ou on déteste. Oui le rythme est plutôt lent, mais c'est justement ce qui donne, à la fin, cette impression d'évolution subtile du personnage. Si on arrive à rentrer dedans, des images restent encore longtemps après... J'ai toujours quelques passages en tête comme de grands moments d'aventure.