Paru en France en 2015
Accelerando est un pavé d’une richesse conceptuelle impressionnante, fourmillant d’idées. Le récit, qui démarre dans un futur proche et s’étend sur trois générations, évoque l’accélération exponentielle de la technologie pour aboutir à une post-humanité qui perd de plus en plus ses liens avec ses origines.
Accelerando est un pavé d’une richesse conceptuelle impressionnante, fourmillant d’idées. Le récit, qui démarre dans un futur proche et s’étend sur trois générations, évoque l’accélération exponentielle de la technologie pour aboutir à une post-humanité qui perd de plus en plus ses liens avec ses origines.
Nous démarrons avec Manfred, l’homme
qui a une nouvelle idée toutes les secondes et rachète des brevets pour les
offrir libres de droits, et mettre fin à une économie de la pénurie. Déjà, les
concepts économiques ne s’interrompent que pour laisser place à des explications
technologiques : des éléments de la personnalité des gens sont
externalisés dans des lunettes connectées, si bien que toute déconnexion
supprime des parts de soi. Le chat-robot Aineko qui accompagne Manfred, ne
cesse de voir son intelligence grandir. Mais rien de tout cela n’aide Manfred
dans ses imbroglios de divorce avec Pamela.
« Alors
que le Dé-Maintenance flotte en orbite autour d’un routeur extraterrestre,
alors qu’Amber et son équipage sont piégés de l’autre côté du trou de ver qui
connecte ce routeur à un réseau d’intelligences extraterrestres d’une envergure
qui dépasse l’entendement - alors que tous ces événements se déroulent, cette
bougre d’idiote d’espèce humaine a finalement réussi à se rendre obsolète. »
Une génération saute et nous
découvrons Amber, fille de Manfred et Pamela, devenue aussi geek que son père.
L’humanité a fait un bond technologique. Reine d’un habitat spatial en orbite
autour de Saturne, Amber envoie une copie d’elle-même - les humains peuvent
désormais se dématérialiser totalement - dans un vaisseau de la taille d’une
boîte de conserve, pour franchir un portail extra-terrestre.
Extraterrestres parmi lesquels
on trouve des systèmes financiers autonomnes qui se font passer pour des êtres
vivants afin d’escroquer les civilisations qui les découvrent. Obligations
toxiques ou arnaques nigériannes sont devenues autant d’intelligences
indépendantes. Cette seule idée met une claque.
L’ouvrage se termine avec la
génération suivante. Sirhan, fils de l’Amber originale, vit dans un monde à
peine reconnaissable. Les planètes sont démantelées pour en faire du
computronium : des processeurs capable de faire tourner assez de systèmes
virtuels pour héberger des civilisations numérisées entières. Les derniers
êtres physiques comme Sirhan doivent faire face à des post-humains si avancés
et une économie 2.0 tellement incompréhensible que leur existence même est en
péril. Mais Manfred et Aineko, ou du moins des versions d’eux-mêmes, n’ont
peut-être pas dit leur dernier mot.
« Vous
êtes invité à vous déclarer comme citoyen dans les meilleurs délais. S’il est
possible de confirmer le décès de l’individu dont vous êtes une re-simulation,
il vous est loisible d’adopter son nom »
On comprend pourquoi Charles
Stross a mis cinq ans à rédiger ce livre, et l’importance du glossaire en fin d’ouvrage.
Chaque page semble apporter sa nouvelle révélation, son nouveau développement
inattendu sur les possibilités d’une humanité de plus en plus virtuelle, sur
les échanges de corps, les piratages de l’esprit. Il y en a tant que l’on sent
presque un certain second degré dans cette profusion, Charles Stross exagérant
le transhumanisme un peu comme Neal Stephenson surjouait en son temps le cyberpunk,
dans Le Samouraï Virtuel.
On peut d’ailleurs reprocher à
cette masse de concepts qu’elle laisse peu de place à la description. Le sense
of wonder repose exclusivement sur des idées, et l’on aurait voulu se figurer
davantage les vaisseaux, les habitats futuristes, les paysages interstellaires.
Néanmoins, on termine
Accelerando comme on descendrait d’une attraction vertigineuse, encore un peu
vacillant de ces idées peignant un avenir plus radical que tout ce que l’on
pourrait imaginer, et pourtant dont on peut déjà sentir les prémices aujourd’hui.
Bible du transhumanisme, Accelerando est un incontournable du
passionné de science-fiction.
Categories:
2015,
Cyberpunk,
Science-Fiction,
Space opéra,
Transhumanisme
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