Chronique du premier opus : Latium.
Avec ce second volume, Romain
Lucazeau conclut un immense space opéra dont on garde encore des images fortes
longtemps après l’avoir refermé. Si le premier tome posait des questions sur la
nature de l’hécatombe qui a décimé les humains, sur les complots ourdis dans
l’Urbs, cette ville spatiale qui rassemble les intelligences artificielles, le
second volet enchaîne les révélations à un rythme hallucinant, jusqu’à un twist
final époustouflant. A plusieurs reprises je me suis demandé quel était le
secret pour maintenir en haleine sur autant de pages.
Le Carcan, programme contraignant
qui soumet les intelligence aux créatures biologiques, dont l’Homme absent - ou
l’idée de l’Homme, devenu plus concept que souvenir - semble se relâcher, ou du
moins faire l’objet d’interprétations, et les princes et princesses automates
gagnent en liberté. Faut-il traquer un possible dernier homme ? Faut-il
courir à sa propre gloire, anéantir les barbares, ou encore conquérir les
étoiles en se transformant ?
Et pourtant, ce vent
d’autonomie n’est peut-être qu’illusoire, tant chaque action semble incluse
dans un plan plus vaste déterminé par un marionnettiste de l’ombre, comme une
mise en abyme de l’auteur et de ses personnages. Et si tout avait été prévu,
jusqu’à la disparition de l’Homme ?
Avec une plume toujours
parfaitement scandée rappelant le déroulement d’une pièce de théâtre, Romain
Lucazeau nous envoie sur Mars et sur Europe, nous projette dans des batailles
spatiales démesurées à grand renfort de sauts quantiques et surtout nous
attache à ses personnages. Plautine, intelligence artificielle née de chair et
capable de rêver. Les hommes-chiens, avec leurs armures et leurs lances mais
leur capacité à mener un engin spatial à la guerre. Parmi eux le guerrier
Euribyadès et sa compagne Photis, qui s’inquiètent du renouvellement de leur
race et voient évoluer leurs liens avec leur démiurge automate Othon, éphèbe en
quête de sa propre gloire. Le pouvoir et l’autorité, qui glissent subtilement
de l’un à l’autre.
Robots devenus fous, obsédés
par la chair, trahisons par loyauté, conscience d’être dans le mauvais camp,
l’univers de Latium se délite tout en plongeant, comme dans un entonnoir, vers
une conclusion dont on ignore la nature mais que l’on devine inéluctable.
Le thème maître de Latium est
celui de la prédétermination, de l’amertume de se voir condamné à ce qui était
écrit pour nous depuis, peut-être, des millénaires. C’est aussi un space-opéra
où souffle le renouveau, et une preuve incontestable que l’ont peut rendre deux
pavés passionnants sans le moindre personnage humain. L’ouvrage souffre
néanmoins d’un gros défaut : le lecteur ne peut que réclamer une suite.
Categories:
2016,
Science-Fiction,
Space opéra
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