Paru en France en 2016
Chronique du premier opus : Latium.

Avec ce second volume, Romain Lucazeau conclut un immense space opéra dont on garde encore des images fortes longtemps après l’avoir refermé. Si le premier tome posait des questions sur la nature de l’hécatombe qui a décimé les humains, sur les complots ourdis dans l’Urbs, cette ville spatiale qui rassemble les intelligences artificielles, le second volet enchaîne les révélations à un rythme hallucinant, jusqu’à un twist final époustouflant. A plusieurs reprises je me suis demandé quel était le secret pour maintenir en haleine sur autant de pages.

Le Carcan, programme contraignant qui soumet les intelligence aux créatures biologiques, dont l’Homme absent - ou l’idée de l’Homme, devenu plus concept que souvenir - semble se relâcher, ou du moins faire l’objet d’interprétations, et les princes et princesses automates gagnent en liberté. Faut-il traquer un possible dernier homme ? Faut-il courir à sa propre gloire, anéantir les barbares, ou encore conquérir les étoiles en se transformant ?
Et pourtant, ce vent d’autonomie n’est peut-être qu’illusoire, tant chaque action semble incluse dans un plan plus vaste déterminé par un marionnettiste de l’ombre, comme une mise en abyme de l’auteur et de ses personnages. Et si tout avait été prévu, jusqu’à la disparition de l’Homme ?

Avec une plume toujours parfaitement scandée rappelant le déroulement d’une pièce de théâtre, Romain Lucazeau nous envoie sur Mars et sur Europe, nous projette dans des batailles spatiales démesurées à grand renfort de sauts quantiques et surtout nous attache à ses personnages. Plautine, intelligence artificielle née de chair et capable de rêver. Les hommes-chiens, avec leurs armures et leurs lances mais leur capacité à mener un engin spatial à la guerre. Parmi eux le guerrier Euribyadès et sa compagne Photis, qui s’inquiètent du renouvellement de leur race et voient évoluer leurs liens avec leur démiurge automate Othon, éphèbe en quête de sa propre gloire. Le pouvoir et l’autorité, qui glissent subtilement de l’un à l’autre.
Robots devenus fous, obsédés par la chair, trahisons par loyauté, conscience d’être dans le mauvais camp, l’univers de Latium se délite tout en plongeant, comme dans un entonnoir, vers une conclusion dont on ignore la nature mais que l’on devine inéluctable.

Le thème maître de Latium est celui de la prédétermination, de l’amertume de se voir condamné à ce qui était écrit pour nous depuis, peut-être, des millénaires. C’est aussi un space-opéra où souffle le renouveau, et une preuve incontestable que l’ont peut rendre deux pavés passionnants sans le moindre personnage humain. L’ouvrage souffre néanmoins d’un gros défaut : le lecteur ne peut que réclamer une suite.